Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Proies faciles » par Miguelanxo Prado
Un brillant polar social mené tambour battant par le Galicien Miguelanxo Prado, complètement habité par un sujet qui le touche et le préoccupe réellement, cela ne se refuse pas ! Surtout si l’énigme, située dans le monde des banques, questionne crûment l’impact social de leurs pratiques… et de leurs dérives, et que son propos, toujours magnifiquement illustré, devient un véritable réquisitoire contre le cynisme ambiant !
Donc, après le film d’animation « De Profundis » (2007), dont il était le créateur et principal responsable narratif et graphique, et une bande dessinée — roman graphique — de longue haleine (« Ardalén », chez Casterman en 2013), Miguelanxo Prado a eu envie de sortir des projets aux univers nostalgiques pour se plonger dans l’aventure plus classique et le polar : mais le naturel a repris le dessus.Construit autour des affaires bancaires et des désastres causés à des milliers de gens subissant la crise immobilière en Espagne, cette enquête met finalement à jour le sentiment d’impuissance que l’on peut ressentir face au système international qui dirige le monde de l’argent : une perte de confiance en soi et en l’avenir, ou encore une certaine fragilité psychique, qui peut se transformer en esprit de revanche de la part de quidams jusque-là sans histoires.
           En mars 2014, dans une grande ville balnéaire de Galice, en Espagne, des morts suspectes se succèdent chaque jour, décimant des hommes et des femmes de tous âges que rien ne paraît relier entre eux : homicides, suicides ou arrêts cardiaques ? Investis de l’enquête, l’inspectrice Olga Tabares et l’inspecteur Carlos Sotillo identifient toutefois un lien, ténu, entre les disparus : tous évoluaient professionnellement dans le secteur bancaire. Un jeune commercial, une responsable d’agence, un directeur général, une contrôleuse financière, une directrice territoriale… Pendant ce temps-là , sur Internet, on commence à évoquer un mystérieux Justicier de la banque, dont les actes criminels chercheraient à reconstituer, symboliquement, l’organigramme type des grands établissements financiers. Et les meurtres continuent…
           Pour son entrée au catalogue de Rue de Sèvres, l’auteur mythique de « Trait de craie » ou des « Chroniques absurdes » fait très fort ! Utilisant à bon escient un superbe noir et blanc efficace (réalisé, au pinceau et à la peinture acrylique), son enquête habilement narrée nous fait prendre conscience que notre modèle de société est vraiment en péril, car des prédateurs sont venus s’enrichir au détriment des citoyens, au-delà des limites acceptables !
« Proies faciles » par Miguelanxo Prado
Éditions Rue de Sèvres (18 €) – ISBN : 978-2-369-81026-1
Magnifique ouvrage en N&B de Prado. A lire sans modération….