« Rumic World 1 or W » par Rumiko Takahashi

Rumiko Takahashi a fait les beaux jours de la télévision française de la fin des années 1980 avec ses adaptations en animation de ses mangas : « Lamu » (« Urusei Yatsura »), « Juliette je t’aime » (« Maison Ikkoku ») et « Ranma ½ ». Rapidement, la plupart de ses oeuvres ont été publiées en France. En premier par Glénat, puis par Tonkam et maintenant par Delcourt. Véritable star au Japon, elle est plus confidentielle dans l’hexagone, dépassé par le succès de « Naruto » ou autre « One Piece ». Véritable stakhanoviste, en parallèle de ses séries régulières, Takahashi n’arrête pas de produire des histoires courtes regroupées sous la bannière « Rumic World ». Le beau recueil que nous offrent aujourd’hui les éditions Delcourt est à la hauteur de la stature de cette mangaka.

Cet ouvrage, comprends 9 histoires courtes, de 15 à 40 pages, publiées entre 1978 et 1994. Ce qui correspond à la période où nous avons découvert Rumiko Takahasi avec « Urusei Yatsura » et « Maison Ikkoku » à la télévision. L’humour y est le même. Les mauvaises langues diront qu’elle ne se renouvelle pas. Les fans, eux, apprécieront de retrouver le ton décalé qui caractérise toute l’oeuvre de Takahashi. Son humour grinçant et cynique se dévoile dans ces neuf tranches de vie faisant parfois appel au paranormal. Ainsi, dans « La Divinité du régime », on suit le parcours d’une jeune fille voulant à tout prix maigrir pour enfiler une robe, afin d’aller au bal avec l’homme de ses rêves. Avec « Je suis un chien, et alors ?! », on retrouve les prémices de « Ranma ½ » (1) avec les déboires d’un jeune homme dont les mâles de la famille se transforment en chien lorsqu’ils saignent du nez. Dommage pour quelqu’un qui aimerait bien conquérir une jeune fille inscrite au club de boxe. Dans « En compagnie de mamie », une jeune fille se fera passer pour une grosse héritière en empruntant l’identité de sa meilleure amie décédée. Mais c’était sans compter sur le fantôme de la grand-mère qui vient la hanter. Dans « C’est la faim du monde », un combat symbolique oppose un jeune agriculteur à un bouddha du futur censé sauver le monde. Qui va triompher entre la nourriture spirituelle et la nourriture terrestre. Dans « Le Grand-père », on assiste à un match de baseball où un papy roublard empoche l’argent destiné à son petit fils. L’« Invitation au Takarazuka » montre les difficultés relationnelles d’un petit fils adepte de rock and roll refusant de se rendre aux funérailles de sa grand-mère qui l’a bassiné avec les spectacles de la troupe Takarazuka (2) dans sa jeunesse. « 1 or W (simple ou double) » qui est l’histoire la plus récente – elle donne son titre à cet ouvrage – met en scène un maître de kendo tyrannique qui va prendre possession du corps d’une jeune fille morte et ainsi faire encore plus pression sur ses élèves. Dans « Papy Talk », une jeune fille va au-devant de grosse désillusion en embauchant un détective privé pour rechercher sa mère censée être morte, mais dont elle vient de recevoir une carte postale. Et enfin, dans « La Déesse, c’est moi ! » on reste dans le sport, mais avec du rugby et une déesse de la victoire qui vient encourager un club minable qui en est à sa 999ème défaite.

Toutes ces histoires restent classiques et leur habillage l’est tout autant. Beau livre de 21,5 x 16 cm avec couverture cartonnée, garde couleur, jaquette quadrichromie rehaussée d’une dorure à chaud, tranchefile assortie à la couverture et signet pour ne pas perdre sa page. C’est donc un très bel ouvrage, loin de ce qui se fait habituellement en manga. Un livre de collection digne d’une bibliothèque soignée. Du coup, ce pavé est un peu lourd à manier et ne tient pas ouvert si on ne l’agrippe pas bien des deux côtés. Mais c’est le prix à payer pour avoir un objet pérenne, bien cousu et qui saura traverser le temps sans en subir les affres.

Les fans de Rumiko Takahashi vont retrouver dans ce recueil sa vision amusante et critique de la société japonaise. Si vous avez été déçu par ses dernières productions et que vous préférez les bonnes vieilles recettes qui ont fait le succès de cet auteur multirécompensé, n’hésitez pas. Et si vous venez de la découvrir avec « Inu-Yasha » et « Rinne » (ses dernières séries), vous ne serez pas non plus dépaysé : son style est immédiatement reconnaissable et sa narration est aussi bonne, voire moins convenue que dans ses derniers travaux. Un beau cadeau à s’offrir ou se faire offrir en cette fin d’année.

Gwenaël JACQUET

« Rumic World 1 or W » par Rumiko Takahashi
Éditions Delcourt Tonkam (19.99 €) – ISBN : 978-2756085074

(1) La publication de « Ranma ½ » a débuté en 1987 et cette nouvelle, « Je suis un chien, et alors ?! », date de 1985.

(2) Takarazuka est une compagnie de théâtre japonaise née en 1914 dans la ville du même nom. La particularité de cette troupe est que tous les rôles qu’ils soient masculins ou féminins sont interprétés exclusivement par des femmes. L’une des pièces les plus célèbres est l’adaptation d’un manga de Riyoko Ikeda : « Lady Oscar » (« Versailles no Bara »).

TAKAHASHI RUMIKO TANPENSHU 1 or W by Rumiko TAKAHASHI ©1995 Rumiko TAKAHASHI / SHOGAKUKAN

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