Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...« Shame : la trilogie de la honte » par John Bolton et Lovern Kindzierski
L’art magique de John Bolton…
John Bolton est un artiste anglais brillant, mais rare : le premier adjectif expliquant sans doute l’autre, car la qualité a ses délais de production que la médiocrité ne connaît pas.
Le revoilà avec une traduction française d’un triptyque magnifique paru de 2011 à 2015 au Canada, chez Renegade entertainments (1).
Les superbes pages peintes de John Bolton, quelle que soit la publication à laquelle il participe, évoquent à chaque fois chez le lecteur le meilleur de l’art gothique, ainsi que des réminiscences de l’art moyenâgeux, voire de la renaissance. Mais cela est, sans doute, davantage dû aux univers féeriques et chevaleresques qu’il choisit d’illustrer.
Sa précédente grande publication française (« God Save the Queen », 2007) avait déjà été remarquée et mélangeait univers maléfique et punk dans un récit moderne. Depuis, l’artiste s’est attelé à un travail de longue haleine avec le scénariste et coloriste Lovern Kindzierski. Ils ont, en effet, travaillé sur une histoire en trois parties mettant en scène, dans un XIXe siècle anglais, les déboires d’une sorcière affable (Vertu), confrontée au mal absolu.
Cette femme à l’apparence peu ragoûtante, ayant dépassé l’âge de la quarantaine, vit des jours plutôt paisibles auprès des habitants d’un petit village : leur apportant réconfort et soins, grâce aux potions et connaissances des plantes qu’elle possède.
Elle vit cependant isolée, au milieu d’une forêt. Elle aime les enfants, qui le lui rendent bien.
Mais un jour, cependant, son vœu pieu de maternité est entendu par une entité maléfique (Ombre), qui lui fait don d’un cadeau empoisonné : une graine qui germera en elle et donnera naissance à leur enfant : Honte.
Cette dernière sera le héraut de son père sur terre, afin de régner en maître absolu sur le monde vivant.
Vertu met donc au monde le bébé, mais décide de le laisser dans sa chaumière, auprès de serviteurs féeriques et d’une panoplie de sorts qui le protégeront à la fois des hommes et de son père, l’isolant dans une forêt impénétrable. Tandis qu’elle continuera à s’occuper, avec bienveillance, des humains.
Honte grandit, et ses pouvoirs aussi : ils ne tardent pas à renverser les charmes. Bientôt, son père va pouvoir la visiter, et ce qui devait arriver arrive… La confrontation est inévitable. Mais le sort qui sera réservé à Vertu est inimaginable.
Lovern Kindzierski, que l’on avait pu lire sur deux épisodes de « Tarzan » chez Soleil, auprès des dessinateurs Stan et Vince en 1998, est surtout connu comme coloriste dans le domaine du comics. Il a eu l’idée, avec Shame, d’une histoire diaboliquement originale, qui surprend le lecteur au point de l’attacher, si l’on peut dire, au récit, d’une manière peu commune.
Les illustrations à l’aérographe de Bolton sont tellement belles et pertinentes que l’on prend autant de plaisir à les parcourir que l’on en prend à dévorer le scénario de cette histoire merveilleusement intelligente et grave.
Pour ne rien gâcher, les éditions Glénat nous proposent une superbe édition cartonnée, avec cahier graphique et interview des auteurs en fin de volume.
Shame fait partie de ces albums qui associent pleinement précision de l’écriture et magnificence des dessins, et qui méritent une place de choix dans toute collection bibliophile.
L’accueil passionné de cette histoire est tel, malgré son ambition et son coût de production élevés, qui auraient pu faire capoter sa production, que les deux auteurs ont déjà proposé à l’éditeur, Alexander Finbow, une autre trilogie qui fera suite à celle-ci. On s’en réjouit d’avance.
Franck GUIGUE
(1) Renegade entertainments est une compagnie canadienne basée à Alberta et regroupant un certain nombre d’artistes de talent qui œuvrent pour proposer des histoires de qualité dans un genre plutôt fantastique et féerique. C’est Alexandre Finbow qui a été introduit sur ce projet, par Lovern Kindzierski, en septembre 2009. Voir http://www.renegadeartsentertainment.com/about-us/the-team.
« Shame : la trilogie de la honte » par John Bolton et Lovern Kindzierski