Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« McCurry : NY, 11 septembre 2001 » par Jung Gi Kim, Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël
À travers un documentaire-fiction, les auteurs de ce troisième volume de la collection Magnum Photos s’intéressent tout particulièrement au photographe de guerre Steve McCurry. Le récit restitue certes ce que le titre met en évidence — sa présence et ses photos lors du 11 septembre —, mais pas seulement, car McCurry a été présent sur bien des points névralgiques du globe, et c’est ce qui rend cet album particulièrement intéressant…
Alors qu’il est en France en novembre 2015, à l’occasion de « Paris Photo », Steve Mc Curry se fait plaisir en allant assister au match France-Allemagne… le jour où des terroristes tentent de se faire sauter à l’intérieur du Stade de France ! Difficile pour lui de ne pas se remémorer ce qu’il a vécu à New York le 11 septembre 2001 : drame auquel il assiste, appareil en main, du haut de son appartement. Il est quasiment aux premières loges et, au fil des planches en bande dessinée, s’intercalent les photos prises par McCurry ce jour-là .
McCurry en a pourtant vu d’autres et le récit évoque toutes les fois où il a bien failli laisser sa peau : Slovénie, Inde, Afghanistan… L’odeur des hôpitaux, il connaît ; le cri des blessés, il connaît ; la douleur, il connaît ! À peine rétabli, il était déjà dans les rues pour photographier la vie quotidienne pendant la mousson (superbes photos !), mais là , à deux pas de chez lui, c’est un peu la fin du monde et il y court avec son assistante, rusant avec les barrages de police pour s’approcher au plus près de l’événement et de l’incroyable.
Voyeur ? Il assume, c’est son métier, mais, il se justifie en expliquant que dans l’émotion du drame et dans l’urgence de la survie, peu de gens pensent à la valeur historique de tels clichés : « Quelqu’un doit raconter l’histoire et la diffuser. » Et McCurry sait de quoi il parle : les puits de pétrole en feu au Koweït, les lignes de front à Kaboul, les déshérités à Calcutta, le Pakistan, le Cachemire… C’est partout le besoin de voir et d’informer qui prime : un métier qu’évoque le texte final très intéressant sur « La vocation d’un photographe voyageur » où le reporter insiste sur la filiation voyage et reportage et sur son incessant besoin de voyager, d’observer, de découvrir de nouvelles cultures, vivre des expériences…
On pense évidemment au « Photographe » d’Emmanuel Guibert et Didier Lefèvre, précisément publié par Aire libre et réédité en intégrale en 2008 : un fort volume de 288 pages comprenant notamment des photos inédites de Didier Lefèvre (décédé en 2007) prises après la mission de 1986 et un reportage de quarante minutes : « À ciel ouvert : journal filmé d’une mission en Afghanistan » par Juliette Fournot. Alliant le dessin et la photographie, les trois tomes du « Photographe » racontaient la mission photographique de Didier Lefèvre au cœur de l’Afghanistan, en pleine guerre entre Soviétiques et moudjahidin : conflit que connaît bien McCurry au point que nombre de pages de « son » album sont également situées en Afghanistan (avec la rencontre avec un Massoud encore inconnu).
La diversité des situations et, surtout, ce terrible rendez-vous avec le terrorisme au cœur de Manhattan — l’écroulement au propre comme au figuré des certitudes et l’émergence d’une nouvelle guerre de civilisations – rendent l’album très singulier ; d’autant qu’un cahier de très belles photographies en doubles pages complète le récit, passionnant, réalisé à partir d’entretiens.
« Reporter », c’est aussi le titre d’une nouvelle série proposée par Dargaud où les auteurs (Renaud Garreta et Laurent Granier au scénario, Gontran Toussaint au dessin) enverront un journaliste français aux quatre coins du monde pour couvrir de grands événements. Le voici à Selma (Alabama), en 1965, en pleine lutte pour les droits des Noirs. Prochain tome annoncé : « Les Derniers Jours du Che ».
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
 « McCurry : NY, 11 septembre 2001 » par Jung Gi Kim, Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël
Éditions Dupuis (24 €) – ISBN : 978-2-8001-6733-6