Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Mon Père était boxeur » par Vincent Bailly, Kris et Barbara Pellerin
C’est l’histoire des relations entre une fille et son père : ancien espoir de la boxe qui a participé par trois fois aux championnats de France, sans succès. Le ring lui permettait, alors, d’échapper à son quotidien d’ouvrier d’usine. Le regard rétrospectif de sa fille, qui n’a jamais vu boxer son père et qui ne se souvient que du difficile contexte familial dont il était le principal responsable quand elle était petite, est sans concessions. Efficace et émouvante, la mise en cases et en bulles de cette relation compliquée (faite de silences et d’absences), elle non plus, ne prend pas de gants…
Cependant, cette bande dessinée, délicate et nostalgique, parle bien moins de boxe que de rapports filiaux et de souvenirs d’enfance : même si les premières pages s’ouvrent sur des combats et sur l’image d’un boxeur harassé qui reprend son souffle entre les cordes.
Souvent alcoolisé et violent, Hubert Pellerin, devenu représentant d’une maison de spiritueux, était devenu incontrôlable et tabassait régulièrement la mère de Barbara ; mais leur fille, aujourd’hui dessinatrice, photographe, documentariste et protagoniste de ce récit, reconnaît, finalement, que leur histoire est avant tout celle d’une rencontre ratée : fantasmant, parfois, des moments de complicité entre eux deux qui n’ont jamais vraiment existé.
Le commentaire de l’excellent documentaire en DVD (offert avec l’album, qu’elle bonne idée !!!) qu’a réalisé Barbara, sur les lieux où son père s’entraînait quand ce dernier était encore en vie, a servi de base à ce portrait sans complaisance d’un homme de contrastes : lequel pouvait être aussi aimant que brutal.
Enfin, le traitement graphique et les couleurs à dominante de rouges de Vincent Bailly (qui a dû beaucoup regarder Baru, notamment les deux tomes de « L’Enragé » chez Dupuis, mais ce n’est pas un reproche, bien au contraire) apportent une énergie qui transcende une narration qui se veut, quelques fois, très intimiste.
Gilles RATIER
 « Mon Père était boxeur » par Vincent Bailly, Kris et Barbara Pellerin
Éditions Futuropolis (20 €) – ISBN : 9 782 754 812 122