Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Fillette après-guerre, première série : 1946-1953 (2ème partie)
Suite de la reprise du dossier de Michel Denni consacré à Fillette, le premier petit illustré féminin.
Après les trois parties consacrées à la publication d’avant-guerre (1), il s’agit de son article sur le Fillette d’après-guerre, publié à l’origine dans Le Collectionneur de bandes dessinées, au n° 78 daté de l’automne 1995. On y parle de Kline, Gillon, Novi, Pétillot, Gal, Gaty… mais aussi de « Lili » !
KLINE, MIKI ET PAUL GILON (AVEC UN SEUL L)
Un mot sur Kline, dessinateur fort à l’aise dans la science-fiction (« Kaza le Martien » dans O.K.).
Il publie ici « Stany Beule dans la Lune », à partir de juin 1948, où de subtiles oppositions entre l’ombre et la lumière créent une atmosphère inquiétante, probablement responsable à l’époque de pas mal de cauchemars chez les jeunes lectrices de Fillette.
Mais il dessine aussi avec brio des aventures héroïques : « Le Chevalier de Vallahad » (1949), « Quentin Durward » d’après Walter Scott (1950).
Il resta d’ailleurs à Fillette bien au-delà de la période que nous traitons présentement, publiant notamment « La Jeunesse de Robin des Bois », « Chevalier Jehan » et « Les Aventures de Magda » de 1956 à 1960 ; voir aussi : Loup-Noir est définitivement orphelin.
Au n° 106 de juillet 1948, une nouvelle bande américaine voit le jour.
Il s’agit de « Miki », créé par Bob Kay l’année précédente dans le Geo Matthews Adams Service : un petit garçon dont le père doit se défendre en affaires contre un vieillard riche et avare. Heureusement, il y a oncle Harry, sorte de bon génie invisible qui ne peut être vu que par Miki. Muni d’un parapluie qui lui permet de voler, Harry sait aussi parler aux animaux. Il est de ce fait à l’origine de nombreux gags et farces montées par le petit garçon.
La bande reçut un excellent accueil des jeunes lectrices de l’époque, puisqu’elle parut pendant 277 semaines, de 1948 à 1953, sous la signature de Bob Kay, avant d’être reprise plus tard par Alexandre Gérard. Il existe aussi neuf albums brochés édités par la Société parisienne d’édition, dans la collection Les Beaux Albums de la jeunesse joyeuse, publiés entre 1949 et 1956.Â
Évoquons brièvement « Les Trois Cheveux d’or », un conte fantastique qui débute en septembre 1948, dessiné par le jeune Paul Gillon, lequel signe alors Gilon.
Cette œuvre, pleine de charme, est curieusement absente de toutes les études ou interviews de cet auteur qui avait débuté en novembre 1947 avec « Lynx blanc » au journal Vaillant, où il allait se faire connaître par des bandes de qualité : « Fils de Chine », « Cormoran », etc. avant de devenir un grand de la bande dessinée moderne (voir : En hommage à Paul Gillon).
UNE ESPIÈGLE LILI NEW-LOOK PAR AL. G.
À la rentrée des classes 1948 (à l’époque début octobre), Alexandre Gérard (Al. G. ou Al. Gérard) reprend « L’Espiègle Lili », jadis créée dans l’ancienne Fillette par André Vallet, en 1909, sur scénario de Jo Valle.
Cette gamine délurée avait été ensuite croquée par René Giffey, toujours avec le même scénariste, au début des années vingt. Elle s’était d’ailleurs mariée à un aviateur en 1923, à la fin d’un premier cycle d’aventures, avant de redevenir adolescente au milieu des années trente.
Avec Alexandre Gérard, sur un texte de Bernadette Hiéris, elle est à nouveau jeune fille, mais nettement plus moderne.
Elle s’exprime par bulles à partir du sixième épisode, « Au pays des lions », le texte sous l’image ne disparaissant tout à fait qu’à l’aventure suivante : « L’Espiègle Lili au travail ».
Elle fait tous les métiers, parcourt le monde, grâce aux scénarios inventifs de Bernadette Hiéris et ne craint pas, plus tard (tout au début des années soixante où les textes sont désormais dus à Paulette Blonay), le flirt et les aventures sentimentales sans lendemain.
Le trait d’Alexandre Gérard est efficace, soucieux du détail vrai, ce qui restitue, à bien plus d’un demi-siècle de distance, le décor de la vie quotidienne des années cinquante, tant à la ville qu’à la campagne, avec une réalité saisissante.
NOVI, PIERRE LACROIX, LOYS PÉTILLOT, GAL ET CHRISTIAN GATY
Marc-René Novi commence à travailler dans Fillette au début de 1950 avec « Yvette Le Mesnil, hôtesse de l’air ».
Il va devenir un auteur apprécié à la S.P.E., notamment en participant activement à la collection de classiques de la littérature en bandes dessinées Mondial Aventures, où il réalisera notamment « Salammbô », « Quo Vadis », « Les Misérables », etc.
Dans Fillette, il illustrera aussi « La Petite fée des ondes », « Le Secret de la mare aux biches », un conte fantastique de Julianne Ossip, « Correspondante de guerre », « La Case de l’oncle Tom », etc.
Enfin, n’oublions pas Pierre Lacroix qui venait de reprendre, à la S.P.E., « Bibi Fricotin » en albums, en 1947. Dans Fillette, il signe un strip par numéro (« La Princesse friandise » en 1951) et une page en couleurs : « Pat et Patricia », à la fin de 1953, aventures comiques bourrées de gags très visuels et efficaces.
Nous avons recensé dans notre étude les romans à suivre parce qu’ils sont la plupart du temps illustrés par des auteurs qui se sont fait un nom dans la bande dessinée.
Outre Jobbé Duval, René Giffey, Pellos et Novi, déjà cités, il convient de ne pas omettre Loÿs Pétillot, au dessin plein de charme et de délicatesse, qui signe ici Loÿs pour « Kosalinde, princesse errante », « Nicole et son arche », « Catherine », « La Fée aux genêts », etc.
Il s’était fait connaître en 1945 dans le journal Bob et Bobette (une des premières productions de la jeune maison Dargaud), puis dans Le Journal des Pieds nickelés de la S.P.E., dès 1948.
Plus tard, il sera fort apprécié dans Bayard (« Le Chevalier inconnu », « Bill Jourdan », etc.), puis dans Record.
L’illustration des romans de Fillette fut aussi confiée à Gal (rien à voir avec l’auteur des « Armées du conquérant », décédé en 1994).
Pseudonyme de Georges Langlais, Gal avait dessiné « Zorro » dans Jumbo en 1940, participé à Cœurs vaillants (entre 1941 et 1947), travaillé pour de nombreux récits complets des éditions Mondiales (1945), Armand Fleury (1945), Artima (1946)… ou de la SAETL (Sélections Le Corsaire, en 1946) et de la SEG (À travers le monde, entre 1949 et 1956), sur certaines biographies de « L’Histoire vivante » (dans Bonnes Soirées, en 1954) et des « Grands Noms de l’Histoire de France » (dans Pistolin, entre 1955 et 1957) écrites par Jean-Michel Charlier ou des « Belles Histoires de l’Oncle Paul » dues à Octave Joly (dans Spirou, entre 1954 et 1959)…
Il réalisa aussi quelques pockets chez Artima (Kiki Sprint en 1958 ou « Le Canon perdu » dans Tempest) et terminera sa carrière dans Pilote avec des récits complets historiques au début des années soixante. Grand maître des aplats noirs, il illustre ici avec brio « Le Cavalier du Marao » en 1948 ou « La Maison des yeux bleus » en 1950.
Signalons enfin Christian Gaty qui réalise des dessins dans Fillette pour « Un bouquet de petites filles », « Le Rocher du diable » (1952) et « La Petite Danseuse de corde » (1953).
Il dessinera par la suite le premier numéro de la collection Mondial Aventures : « Le Tueur de daims » en 1954, « Le Grêlé 7.13 » dans Vaillant et la célèbre bande « Barbe-Rouge » créée par Victor Hubinon et continuée par Jijé, auquel il succède en 1982.
UNE PUBLICATION ATTRAYANTE
Nous interrompons, momentanément, cette modeste étude du journal Fillette à la fin de l’année 1953, au n° 389.
Le journal a alors plus de sept ans, sept années parmi les meilleures certes, mais n’oublions pas qu’il a vécu sur 942 numéros et que tout un pan de son histoire reste à découvrir.
Dédaignée des collectionneurs (masculins) parce qu’ils ne l’ont pas lue dans leur enfance (ou alors par-dessus l’épaule de leur petite sœur), Fillette ne mérite pas le dédain avec lequel elle reste considérée.
Ce journal se révèle comme un hebdomadaire où de grands noms de la bande dessinée œuvrèrent avec talent, où de jeunes espoirs firent leurs premières armes.
C’est aussi une publication attrayante, fascinante même lorsque, feuilletant une reliure éditeur, on découvre les magnifiques couvertures de René Giffey, Edmond-François Calvo, René Pellos, Kline, Paul Gillon, Marc-René Novi… ou encore Félix Pol Jobbé Duval, éclatantes de charme et de poésie.
Michel DENNIÂ
Mise en pages, notes et mise à jour du texte : Gilles RatierÂ
(1) Voir : Fillette avant-guerre : 1909-1942 [première partie], Fillette avant-guerre : 1909-1942 [deuxième partie] et Fillette avant-guerre : 1909-1942 [troisième et dernière partie].
(2) « L’Espiègle Lili » dessinée par Al. G. a aussi été publié sous la forme de quarante-six albums brochés édités par la Société parisienne d’édition, dans la collection Les Beaux Albums de la jeunesse joyeuse, entre 1949 et 1974.
Vingt-sept d’entre eux (les n° 8, 9 et du n° 24 au n° 48) ont été repris, entre 1997 et 2004, en albums cartonnés aux éditions Vents d’Ouest, lesquelles ont aussi proposé diverses compilations : deux dans la collection Les Chefs-d’œuvre de la B.D. humoristique, en 1992 et 1995, et deux autres sous le titre « Le Meilleur de Lili », en 2006 et 2007.
Enfin, depuis août 2015, Hachette Collections réédite l’intégralité des aventures de Lili (voir aussi « Lili » toujours espiègle….) : pour l’instant, seuls vingt-quatre titres sont disponibles.
LES SÉRIES DE FILLETTE APRÈS-GUERRE (PREMIÈRE SÉRIE)
TITRE | DURÉE | AUTEUR | GENRE |
Oscar le petit canard | 1 (02-05-1946) à 797 (26-10-1961) | Mat | Aventures comiques animalières |
Durga-Rani, reine des jungles | 24 (19-12-1946) à 35 (6-3-1947), puis 39 (3-4-1947) à 293 (6-3-1952) ; continue ensuite sous forme de roman illustré : 297 (27-3-52) à 383 (19-11-53) | René Pellos (texte : Jean Sylvère) | Aventures exotiques |
Fino | 28 (16-1-1947) à 65 (09-10-1947) | Jolioz | Aventures comiques animalières |
Fille de pirate | 30 (30-01-1947) à 51 (26-06-1947) | René Giffey (texte : Bernadette Hiéris) | Aventures maritimes |
Pauvre Aggie | 36 (13-03-1947) à 389 (31-12-1953) et au-delà | Hal Rasmusson | Aventures sentimentales |
Danièle sportive | 37 (20-03-1947) à 69 (30-10-1947) | Bars | Aventures sportives comiques |
Poupette star | 51 (26-06-1947) Ã 88 (18-03-1948) | Stom | Aventures comiques |
Dans la tourmente | 52 (3-07-1947) à 68 (23-10-1947) | René Giffey (texte : Louis Saurel) | Aventures historiques |
Mademoiselle Lieutenant | 69 (30-10-1947) à 91 (08-04-1948) | non signé (texte : G. Biard) | Aventures historiques |
César | 91 (08-04-1948) à 230 (14-12-1950) | César | Aventures comiques animalières |
Plic, Plac et Ploc | 91 (08-04-1948) à 132 (27-1-1949) | Tim | Aventures comiques animalières |
Mike et la pantoufle | 92 (15-4-1948) à 111 (26-08-1948) | Calvo (texte : Gabrielle Legendre) | Conte fantastique |
Stani Beule dans la Lune | 99 (03-06-1948) Ã 142 (07-04-1949) | Kline | Science-fiction |
Les Aventures de Miki | 106 (22-07-1948) Ã 382 (12-11-1953) | Bob Kay | Aventures comiques |
Les Trois Cheveux d’or | 112 (02-09-1948) à 126 (16-12-1948), puis en roman : 127 (23-12-1948) à 134 (10-12-1949) | Paul Gillon, alias Gilon (texte : Martial Cendres) | Conte fantastique |
L’Espiègle Lili | 118 (21-10-1948) à 389 (31-12-1953) et au-delà | Alexandre Gérard, alias Al. G. (texte : Bernadette Hiéris) | Aventures comiques |
Les Naufrages de la Capricieuse | 132 (27-01-1949) à 153 (23-06-1949) | René Giffey (texte : Bernadette Hiéris) | Aventures maritimes |
Les Mystères de Bruniquel | 154 (30-6-1949) à 159 (04-08-1949) | Luce André | Aventures sentimentales |
Le Chevalier de Vallahad | 159 (04-08-1949) à 180 (29-12-1949) | Kline (texte : Martial Cendres) | Aventures de chevalerie |
Yvette Le Mesnil, hôtesse de l’air | 181 (05-01-1950) à 202 (01-06-1950) | Novi (texte : G. Legendre) | Aventures aériennes |
La Fille du chercheur d’or | 203 (08-6-1950) à 217 (14-09-1950) | René Giffey (Texte : Philippe Mouret) | Aventures exotiques |
Le Secret de la mare aux biches | 219 (28-09-1950) Ã 229 (09-12-1950) | Novi (texte : Juliane Ossip) | Conte fantastique |
Sim | 226 (16-11-1950) à 283 (20-12-1951) | Tim | Aventures comiques animalières |
Quentin Durward | 231 (21-12-1950) à 239 (15-02-1951) | Kline (d’après Walter Scott) | Aventures historiques |
La Première Aventure | 241 (01-03-1951) à 276 (01-11-1951) | non signé (texte : E. Leyland) | Aventures de cape et d’épée |
La Princesse Friandise | 255 (07-06-1951) Ã 274 (18-10-1951) | Pierre Lacroix | Aventures sportives comiques |
Alice au pays des merveilles | 258 (28-06-1951) à 303 (08-05-1952) | non signé (d’après Lewis Carroll) | Conte fantastique |
La Fée friandise | 275 (25-10-1951) à 284 (27-12-1951) | Claude Verrier | Aventures fantastiques comiques |
Correspondante de guerre | 277 (08-11-1951) à 299 (10-04-1952) | Novi (texte : Martial Cendres) | Aventures dramatiques |
Lolotte et Lulu | 313 (17-07-1952) Ã 318 (21-08-1952) | Mat | Aventures comiques |
Vallahad à la rescousse | 319 (28-08-1952) à 339 (15-01-1953) | René Giffey (texte : Martial Cendres) | Aventures de chevalerie |
L’Oncle (puis Tonton) Mironton | 322 (18-09-1952) à 367 (30-07-1953) | Mat | Aventures comiques |
Le Fugitif de Saint-Sylvène | 355 (07-05-1953) à 366 (23-07-1953) | Luce Lagarde | Aventures policières |
La Case de l’oncle Tom | 367 (30-07-1953) à 389 (31-12-1953) et au-delà | Novi (d’après H. Beecher-Stowe) | Aventures dramatiques |
Pat et Patricia | 383 (19-11-1953) à 389 (31-12-1953) et au-delà | Pierre Lacroix | Aventures comiques |